Les entreprises cherchent aujourd’hui de nouvelles façons de se différencier en créant de la valeur pour le client. Que ce soit par les attributs ou plus-value de leur produit et de leur marque, par des prix justes ou en créant un sentiment de fierté et de loyauté à leur entreprise, trouver le bon mixte pour fidéliser le client et augmenter ses ventes est un Art qu’il convient de maîtriser.

Une approche centrée sur le client

Et si une avenue de réflexion consistait en la possibilité de laisser les clients – les consommateurs – choisir le prix et les attributs du produit? Si on leurs donnaient la chance de créer leur propre produit?

Certains me diront que c’est inimaginable et pour certaines industries, le défi est de taille et peut s’avérer difficile à implémenter, je vous l’accorde. Il n’en est cependant pas moins intéressant de s’ouvrir à l’idée en laissant de côté notre premier réflexe, soit celui de balayer du revers de la main cette approche. Lorsqu’une industrie vit des heures difficiles, des concessions sont à faire. Il devient judicieux d’observer quelle importance le consommateur accorde aux attributs. En ce sens, cette approche a été tentée par certaines entreprises innovantes qui n’ont pas eu peur de remettre en question leur approche et de prendre des risques. Il s’est avéré que ce fut un véritable un succès.

C’est qui le patron?!

C’est donc ce qu’a tenté une entreprise française dans le domaine de l’agroalimentaire. C’est qui le patron?! a développé un produit en impliquant la collectivité de consommateurs qui pouvait y détailler ses exigences de qualité du produit. Aujourd’hui vendu à plus de 6,1 millions de consommateurs en France, avec plus de 80 millions de litres distribués dans plus de 12 000 points de vente, ce lait plus cher que ses compétiteurs sur le marché est un franc succès. Il a par la même occasion permis de développer un nouveau modèle d’affaires.

Alors comment s’y prendre pour trouver le bon prix et les bons attributs qui permettront de faire du produit un véritable succès?

Le fondateur, Nicolas Chabanne, a eu l’idée au plus fort de la crise agricole française en octobre 2016 de monter une entreprise qui allait créer des produits durables, responsables et qui profiteraient à tous, tout en solutionnant des problématiques importantes.

Un modèle à 2 axes
  1. Démontrer aux consommateurs à quoi sert son argent et qui en profite réellement au final.
  2. Mettre de l’avant les attributs soigneusement sélectionnés par le consommateur pour prioriser le mixte produit/prix.

Il a donc basé son modèle d’affaires sur une société par actions simplifiées (SAS), une coopérative de salariés et de sociétaires dans laquelle chacun joue un rôle essentiel.

Ainsi, dans le cadre du développement du premier produit ayant suivi cette logique, on désirait produire du lait de qualité qui permettrait aux producteurs laitiers de vivre convenablement. Une façon de solutionner la crise tout en créant une relation de partenariat avec les producteurs en comprenant mieux leur réalité pour adapter le produit.

Les étapes menant à la réalisation du produit final
  1. Définir de manière objective le détail des coûts réels inhérents aux producteurs de lait
  2. Rendre disponible un questionnaire sur la plateforme de la coopérative proposant aux consommateurs une multitude d’améliorations possibles et d’attributs. Par exemple, l’équité salariale des producteurs, la qualité du lait pouvant inclure beaucoup de sous attributs (par exemple les fourrage des bêtes, le sans OGM, le pâturage libre, etc.) la transparence, la traçabilité de l’origine des ingrédients, l’emballage, le lieu de vente, le plan marketing sur le produit, etc. Ce questionnaire est le résultat de rencontres et discussions avec les producteurs et fournisseurs, une sorte de «voix du client» spécifique.
  3. Relier chaque choix d’attribut à une réalité de coûts faisant évoluer le baromètre du prix selon les attributs identifiés. Une analyse des résultats permet par la suite de proposer une option produit reflétant les besoins et limites budgétaires logiques.
  4. Rechercher et évaluer les producteurs qui voudraient prendre part à l’aventure, préparer les contrats ainsi que les ententes pour les tierces partis et les intermédiaires (distribution, etc.) tout en favorisant les liens et la communication entre eux.
  5. Développer le produit et le réseau de distribution via des structures partenaires qui promeuvent les mêmes valeurs et le cahier de charges durable et responsable retenus.

Le marketing organique c’est payant!

Une particularité de ce système, les coûts de publicités ont été remplacés par des communications de réseaux (une application a été créée pour permettre aux consommateurs de voir, signaler ou demander les produits aux magasins https://trouver.lamarqueduconsommateur.com/), le tout permettant de faire des économies substantielles sur le prix de vente.

Vous remarquerez aussi l’emballage épuré aligné avec la stratégie de marque qui repose, ici, sur une réduction maximale des frais de marketing.  L’argent est plutôt investit et redonné aux producteurs.

La tendance du « Sans marque »

Fait intéressant, cela s’intègre bien avec la tendance du « sans Marque » que l’on voit poindre dans certains centres urbains, tels que les magasins Brandless à New York (J’ai constaté de mes yeux, en novembre dernier, une file d’attente de plus de 15 mètres à l’extérieur d’un de ces magasins!) qui ne vendent que des produits sans marque avec des emballages minimalistes.

L’entreprise MUJI au japon développe et offre de produits sur ce même principe de produits de qualité sans nom.  Plus proche de chez nous, les épiceries biologiques et zéro déchet LOCO font de même. Ici, la marque est peu importante puisque l’on apporte nos contenants pour le vrac et l’on consomme des produits locaux.  Il s’agit ici d’une préoccupation et réalité de plus en plus présente qui touche particulièrement la génération des milléniaux, un groupe de consommateurs important pour l’avenir de votre entreprise.

Un nouveau modèle, de nouvelles avenues

Le marché change, l’approche marketing et de développement de produits aussi, alors pourquoi s’empêcher de rêver et de penser à des modèles de ce type pour d’autres industries?

Rêvons par exemple à un système de santé qui s’inspirerait de cette idée. On pourrait ainsi demander aux utilisateurs de préciser leurs critères prisés par type de services en priorisant les plus importants et en évaluant par la suite l’impact de ceux-ci sur les coûts réels finaux.

  • Le temps d’attente selon l’importance du problème de santé
  • L’accès à des évaluations et tests automatisés pour déceler rapidement un problème
  • L’accès à des spécialistes pour les traitements et les suivis
  • Le support d’accompagnement et la fréquence pertinents,
  • Le niveau de confort requis selon la durée et la raison du séjour en hôpital, etc.

Bien sûr, une évaluation plus précise et réaliste des coûts devraient être opérée en collaboration avec les divers intervenants, spécialistes, médecins, généralistes, urgentologues, infirmières, préposés, etc. Il serait aussi pertinent de lister l’ensemble des critères qui pourraient modifier le coût d’un service comme base de départ.

Par la suite, le client utilisateur aurait un choix à faire en fonction de sa prédisposition à payer un certain montant. Un peu comme un jeu lego où l’on évalue, assemble et observe l’impact d’un choix sur le résultat final. Cela  pourrait, par exemple, nous démontrer ce qui est couvert par notre assurance maladie et ce qui relèverait de surplus à payer. Une approche plus transparente ne pourrait certainement pas nuire. Rien n’est simple avec le système de santé actuel, on en convient, mais une nouvelle approche pourrait peut-être aider à clarifier certains éléments ou encore suggérer une nouvelle approche?

Pourquoi ne pas aussi appliquer cette approche à l’industrie du transport publique? Que ce soit les autobus, les taxis, les trains, etc., que désirons-nous, comme consommateur, prioriser ? La réduction des gaz à effet de serre; la fréquence des trajets disponibles avec tous les moyens de transport et leur consommation de carburant requis ou d’électricité; la réduction du nombre de véhicule sur les routes; le confort, la connectivité Internet, la rapidité d’accès à la destination finale, etc. Au final quel coût sommes-nous prêts à débourser pour ces attributs? Et quel choix aura plus de poids pour nous et la planète? Peut-être alors faudrait-il payer un peu plus cher le transport en commun et disposer en résultante de services qui correspondront à ce qui a de la valeur pour l’utilisateur ?

Le consommateur et ses choix

Il s’avère que le consommateur a une responsabilité. Il doit faire des choix en fonction de ce qu’il désire payer certes, mais aussi de ses valeurs éthiques qui seront demain essentielles et devront être considérés dans les axes stratégiques lors de la création d’un produit, pour le vendre et en définir le prix!

Qu’en pensez-vous? Votre industrie pourrait-elle bénéficier d’un nouveau modèle et d’une autre approche pour orienter ses innovations? Partagez-nous vos idées et commentaires.

Magali Pelletier est entrepreneur, stratège et formatrice. Elle Cumule plus de 15 ans d’expérience professionnelle en entreprises manufacturières et de services comme spécialiste en gestion marketing et stratégie de développement de produits. Consultante depuis 2013, elle offre des services de consultation, des formations sur les grands thèmes actuels en gestion et développement de l’innovation et effectue des études d’opportunités pour explorer de nouvelles idées ou marchés. www.strategiemp.com