Votre entreprise a-t-elle plus de projets qu’elle n’a de ressources disponibles pour les mettre de l’avant? Êtes-vous doué pour lancer des idées et des projets, mais ne savez pas dire non ou peinez à faire des choix et à prioriser?

Si c’est le cas, et bien vous faites partie de la grande majorité des gens. Ce billet vous suggère un outil que je privilégie souvent en entreprise pour mettre en place des décisions d’affaires plus objectives et uniformisées au final et vous aider à prioriser.

Quelques statistiques déroutantes

Des recherches effectuées par «InformationWeek» sur la gestion de projets en 2014 et 2016 auprès de plus de 400 répondants provenant d’organisations d’au moins 100 employés livrent des faits intéressants, mais malheureusement peu surprenants.  Mes discussions en entreprise en témoignent d’ailleurs. Ces données ont probablement changé légèrement, mais les problèmes demeurent les mêmes en 2018 1 et 2:

Décideurs de la priorisation des projets

Comment cancelle-t-on ou retarde-t-on les projets en entreprise? 63% des répondants précisent que c’est encore une décision de la haute direction.

  • La haute direction, toujours très occupée, a peu de temps pour prendre des décisions informées et canceller ou retarder autant de projets qu’une organisation l’exige typiquement.
  • Les dirigeants «avortent» uniquement les pires projets, retardant à plus tard la balance. Et ce n’est que trop tard qu’ils réalisent que leurs employés quittent ou flanchent dû à une surcharge de travail.

 

À la lumière des faits plutôt décevants exposés dans ces graphiques, comment organiser ses priorités pour faire des choix éclairés? Sur quoi les baser? Comment s’y prendre pour que les intervenants et décideurs de projets aient le même langage et interprétation de la situation pour expliquer les choix faits?  Au final, le résultat recherché doit être le même pour tous.  Maximiser l’utilisation des ressources et s’assurer que le développement soit axé sur des projets profitables à court, moyen ou long terme, le tout selon les objectifs stratégiques de l’entreprise.

Nous vous suggérons une approche for utile que bien des entreprises connaissent, mais que peu prennent le temps de clarifier et d’implanter pour faciliter la suite de leurs opérations. C’est une lacune évidente qu’il vaut la peine de rectifier.

5 étapes à suivre pour débuter une priorisation stratégique

Voyons chacune d’entre elles en détail.

1- Clarifier les segments stratégiques de projets pour l’entreprise et les piliers, soit les critères de base sur lesquels reposeront ses choix de projets.

Pour y parvenir, on suggère à la direction de se réunir et s’entendre sur les objectifs à atteindre en lien avec la vision à plus long terme et le plan de développement d’affaires de ses produits et de ses marques.

Ces segments de projets pourraient être par exemple:

  • Les projets d’investissement en recherche créative à long terme,
  • Les projets client de développement de produits sur mesure,
  • Les projets accélérés pour un gain de mise en marché,
  • Les projets d’amélioration ou de réduction de coûts, etc.

Certaines entreprises pourraient aussi segmenter leurs projets importants en fonction des types de produits développés par marché. L’important est de s’assurer que les principaux «groupes» de projets regroupent un ensemble unique et similaire de critères et que les résultats visent à combler les mêmes objectifs.

Voici l’exemple d’une entreprise dans le domaine des produits sportifs. Ces groupes de projets importants découlent des segments de marché précis préalablement définis.

Ils orientent le choix des projets qui y seront développés.

Par exemple, le segment de projet « Sportifs économes » (Budget conscious) sera basé sur des produits qui permettent des coûts de production plus bas, des matériaux permettant des prix alléchants, des projets de mise en marchés agressifs pour intéresser le client, etc.

En comparaison, le segment « Sportifs urbains de tous les jours » où les projets prendront une tournure davantage axée sur la facilité, l’accès, la durabilité et le design du produit par exemple. En ayant ces grands groupes, on peut plus facilement définir les projets qui les composeront. On verra ainsi si le portefeuille de projets est stratégique et équilibré à travers le temps.

Une fois les groupes de projets déterminés, la direction de l’entreprise doit identifier, et communiquer les piliers, soit les grands thèmes essentiels qui permettent d’évaluer l’importance des projets pour cette dernière. Ces piliers sont généralement au cœur de son identité et permettent d’atteindre ses objectifs de croissance.

Beaucoup d’entreprises partagent des piliers similaires puisqu’il est souvent question, peu importe l’industrie, des mêmes grandes préoccupations :

  • Lien avec la stratégie d’entreprise,
  • Capacité à gérer ou non le risque financier vs retour sur investissement,
  • Différenciation possible et attrait du marché que procurent les projets,
  • Capacité et connaissance requises pour développer et livrer le projets (produit ou service).

Il sera essentiel que l’entreprise communique adéquatement ce que signifie chacun des critères définissant chacun des piliers. Ces critères devront être mesurables et observables.

2- Évaluer et lister les critères qui définiront chaque pilier

À cette étape, on doit regrouper dans une équipe multidisciplinaire des représentants des divers départements de l’entreprise. Selon les historiques et expertises, ces individus examineront sous un angle différent du vôtre les projets. Le but de cette équipe sera de définir, ensemble, à partir de l’orientation des piliers donnés par leur direction, les critères desdits piliers.

Par exemple, si l’organisation définit un pilier important comme étant l’attrait du marché. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour elle? Comment définir un projet plus attrayant qu’un autre si les critères d’évaluation en définissant l’essence ne sont pas précisés?

Voici un exemple de critères pour définir l’attrait du marché pour une entreprise :

ATTRAIT DU MARCHÉ
Volume/importance du marché
Potentiel de croissance à Court Terme et Moyen Terme
Positionnement des joueurs (compétition directe)
Segment choisi vise leur marché primaire, etc.

L’idée, en bout de ligne, est que tous aient une même interprétation des critères par pilier pour éviter toute ambiguïté.

3- Établir la pondération pour uniformiser l’interprétation

L’étape la plus cruciale est de pondérer chacun de ces critères. Cela permettra,  une fois la mise en relief des projets de l’ensemble de l’entreprise et peu importe le département, d’uniformiser la façon de mesurer les projets. On freine donc la tendance naturelle et très émotive, comme ils nous tiennent à cœur, de prioriser les projets que l’on gère. Cette grille de pondération permettra de rendre le processus de priorisation plus objectif.

Exemple de grille de pondération pour un pilier et ses critères :

Un projet qui aurait un attrait de marché élevé, soit 7 ou 10 pourrait correspondre à : :

  • Un marché en croissance avec un volume de plus de 50 millions de dollars, alors que pour d’autres ce pourrait être un marché démontrant 10% de croissance et un volume entre 10 et 15 millions.
  • Plus de 50% de marge de profits, alors que pour d’autres 35% serait suffisant, tout dépendant de l’industrie.
  • Un positionnement compétitif de quelques joueurs possédant peu de part de ce marché (- de 10%), alors que pour d’autres « compétitif » représente un marché sur-desservis par de nombreux compétiteurs qui possèdent déjà la majorité du marché (+ de 50%), etc.

L’important est donc de prendre le temps de réfléchir en plénière afin de préciser ces chiffres et les qualificatifs qui décriront chaque critère selon votre réalité. Cela rendra la notation facile et perçue de la même façon par tous.

4- Établir un poids, une importance chiffrés pour vos piliers afin de faciliter la priorisation stratégique des projets.

Cette étape permettra de mettre de l’avant les piliers les plus importants pour l’entreprise en les alignant avec les objectifs stratégiques, la mission et le plan d’affaires. C’est aussi ce qui permet de donner un deuxième niveau de profondeur à votre priorisation.

Dans la réalité, vous pourriez avoir deux projets détenant un résultat total identique. Cependant, en accordant une importance plus grande à certains piliers,  cela permettra de positionner un projet devant un autre. La direction doit donc être directement impliquée dans le choix et la gestion de l’importance des piliers étant donné que ceux-ci doivent être directement en lien avec les objectifs stratégiques, la mission et le plan d’affaires futurs de l’entreprise.

5- Importance de communiquer et d’expliquer les piliers et critères définis à tous pour faciliter une analyse objective et uniformisée dans l’entreprise.

Cette dernière étape est très importante et fait souvent défaut. C’est ce qui permettra de réduire l’aspect émotif d’un choix de priorisation.   C’est tout-à-fait humain d’avoir de la difficulté à lâcher prise et au final de mettre de côté un projet qui nous tient à cœur.

Les statistiques le démontrent, et je le constate tous les jours, c’est une réalité en entreprise et ce, peu importe l’industrie. Il est difficile de dire non à un projet en apparence intéressant. Mais si l’ensemble des membres de l’entreprise ont été dûment informés des piliers et des critères de choix, lorsque les ressources ne sont pas disponibles ou qu’un projet est peu aligné aux piliers stratégiques de l’entreprise, la prise de décision sera ainsi justifiée, comprise et plus facilement acceptée.

C’est un excellent exercice de vision composé de questions fort intéressantes auxquelles il faut réfléchir et savoir répondre en groupe. Cela permettra une prise de conscience menant à des décisions de gestion de portfolio stratégique éclairées.

Faites le test.

Créez une liste de piliers et critères et passez en revue vos projets objectivement. Vous découvrirez peut-être des solutions à vos goulots d’étranglements? Une règle d’or à garder en tête, ajouter des ressources peut être une solution, mais attention toutefois! Car le piège en entreprise est souvent qu’à l’ajout de ressources on ajoute des projets pour augmenter les revenus afin de compenser les coûts de ces ressources. C’est le jeu du chat et de la souris.

Au final, il faut avoir le courage de dire NON à des projets peu rentables, avoir une vue globale encore plus large pour se positionner clairement et stratégiquement dans le but d’atteindre une croissance équilibrée… tant sur le court que le long terme!

Magali Pelletier est entrepreneur, stratège et formatrice. Elle cumule plus de 15 ans d’expérience professionnelle en entreprises manufacturières et de services comme spécialiste en gestion marketing et stratégie de développement de produits. Fondatrice de la firme Stratégie MP depuis 2013, elle offre des services d’accompagnement stratégique en processus d’innovation, des formations sur les grands thèmes actuels en gestion et développement de produits et effectue des études d’opportunités pour explorer de nouvelles idées ou marchés. www.strategiemp.com

Sources :

1- Page 9 Pulse of the profession 2014, the High cost of low performance.

2- https://www.wrike.com/blog/complete-collection-project-management-statistics-2015/

Références :